Textes

Le typhus et le reste    

Quiconque trouble ma sieste
Qu’il attrape la peste
Le typhus et le reste
Qu’il finisse pendu
Et sa veuve éperdue
Dans une peine assidue
Celui-là qui m’éveille
Alors que je sommeille
Il faut qu’il me le paie

Quand j’esquisse une pause
Quand mon esprit repose
Un problème se pose
Des cheveux aux orteils
Je souffre sans pareil
Du bruit dans mes oreilles
Une quinte de toux
Le jappement d’un toutou
Pour moi sont pires que tout

La détonation
La déflagration
Ne sont que des notions
Bien faibles ou malhonnêtes
Pour dire tout ce qui pète
Au-dedans de ma tête
J’entends dans ma cervelle
Les tissus qui craquellent
Et le sang qui martèle
Je me couvre de cloques
Mon cerveau se disloque
Tout entier je débloque

Devenant agressif
Il me pousse des griffes
Je m’arrache les tifs
Et dans des hurlements
Que même ma maman
Trouverait alarmants
Je poursuis le coupable
L’odieux, l’insupportable
Auteur du coup pendable
Malheur si je l’attrape
C’est peu dire que je frappe
À m’user les savates

Quiconque trouble ma sieste
il mérite la peste
Le typhus et le reste

Matelots

Nous étions tous matelots
Fiers marins sur un bateau
Nous étions tous matelots
Tous rieurs et grands costauds

Sur l’océan du Nouveau Monde
Nous naviguions toutes voiles dehors
Qu’importe si le ciel gronde
La terre au loin… nous montre la route !

Par amour pour notre roi Louis
Nous allions conquérir les mers
Par amour pour notre roi Louis
Causant du chagrin à nos mères

Croisant parfois dans nos sillages
Quelques flibustiers sans courage
Ils regrettaient notre passage
La terre au loin….nous montre la route !

Au fond de nos cales bien pleines
Les trésors de notre royaume
Au fond de nos cales bien pleines
Des armes et des tonneaux de rhum

Nous allions porter un message
Dans les vastes contrées sauvages
Aux peuplades anthropophages
La terre au loin…nous montre la route !

Mais un jour de grosse tempête
Moi qu’ était devenu Capitaine
Mais un jour de grosse tempête
J’entendis céder la carène

En un mot c’était le naufrage
Alors avec mon équipage
Nous dûmes continuer à la nage
La terre au loin…nous montre la route !

Or il se trouva un vaisseau
Qui voguait en ces flots profonds
Or il se trouva un vaisseau
On me hissa par-dessus pont

C’était une galère ennemie
Et on me ferra les chevilles
Depuis je rame jusqu’à Manille
La terre au loin…nous montre la route !

Au coin de ma rue

Dans un coin de ma rue
On casse le béton
Au soleil, à mains nues,
On coule le goudron
C’est la ville qui mue
Et les hommes qui suent
On gagne quelques ronds
En s’épongeant le front

Dans un coin de ma rue
Y a ce chien qui traînasse
Son maître a disparu
Un jour sans laisser d’traces
Un huissier est venu
Puis la voisine d’en face
Mais personne n’a voulu
Du chien au coin d’ma rue

Dans un coin de ma rue
Y a c’gars un peu bourru
Il parle qu’aux inconnus
Il parle, il parle puis plus
Souvent il dort par terre
Le nez dans la poussière
Sûr qu’il était plus fier
Avant d’être cocu

Dans un coin de ma rue
Y a cette vieille idiote
Qui compte ses quenottes
Même qu’elle en a plus
Elle compterait bien ses sous
Mais paraît qu’un voyou
lui a volé ses écus
Un soir au coin d’ma rue

Dans un coin de ma rue
On vient à six ou huit
Pour les beignets de morue
De la grosse Brigitte
Elle qu’était menue
Elle a enflé bien vite
Dans sa baraque à frites
Cinq euros le menu

Dans un coin de ma rue
Y a un enfant qui pleure
Car son père tout à l’heure
Lui a botté le cul
Il avait tellement peur
En allant chez l’docteur
Qu’il s’est pissé dessus
Juste au coin de ma rue

Dans un coin de ma rue
Y a cette grand fille
Qu’a le menton tordu
Et les yeux qui scintillent
Alors on se sourit
Et j’me sens moins perdu
Dans cette drôle de famille
Que j’verrai bientôt plus

Moi je change de rue
Je prends d’autres quartiers
Les gendarmes sont venus
Ce matin me trouver
La vieille m’a reconnu
Et repris ses écus
Planqués sous un pavé
Juste au coin de ma rue

Femme-oiseau        

Dans demoiselle il y a oiselle
Femme-oiseau en un seul mot
D’un battement de cil se révèle
La femme derrière le ziozio
Quand elle gazouille femme coucou
Je tends l’oreille elle le cou
Petite poule quand elle roucoule
Je lui donne un bec et ça roule

Il y en a des mots à offrir
Bien d’autres que ceux des chansons
Gueule de loup, rhododendrons
Il y en a des fleurs à écrire

Femme en colère comme la guerre
Parfois met les bouts met les voiles
Femme-bateau, femme bataille
Femme au bord de la crise de mer
Quand elle tangue femme-navire
Sous la bourrasque parfois chavire
Alors dérive femme-naufrage
Et rejoint la rive à la nage

Il y en a des mots à offrir
Bien d’autres que ceux des amants
Brise-glace ou catamaran,
Y en a des chaloupes à écrire

Tombe le vent tombe la rage
Mademoiselle devient plus sage
Reprend confiance femme courage
Et dans mes bras reprend ancrage
Qu’elle soit repos ou tempête
Brise tranquille bouffée discrète
Mademoiselle et l’anisette
Soufflent le vent fou dans ma tête

Il y en a des mots à offrir
Bien d’autres que ceux qu’on attend
Du sirocco à l’harmattan
Il y en a des souffles à écrire

Femme trésor et moi très ivre
Je perds le nord, femme-mirage
Mademoiselle soudain se livre
Petits mystères et grand voyage
Je perds la tête, femme pompette
Faisons la fête jusqu’à demain
Je vois la lune dans ses mirettes
Je sens le soleil dans ses mains

Il y en a des mots à offrir
Bien d’autres que ceux des comptoirs
Ratafia ou Marie Brizard
Il y en a des rêves à écrire

Dans demoiselle il y a oiselle
Femme-oiseau en un seul mot
D’un battement de cil se révèle
La femme derrière le ziozio

La Reine de la baise

C’est tout une histoire
Quand elle vous sert un bock
Comme une chanson d’espoir
Une invite au paddock
Les bouteilles s’entrechoquent
Pour les quelques soiffards
Qui tiennent la bicoque
Du matin jusqu’au soir

C’est tout un bazar
Quand dansent ses breloques
Ses colliers en toc
Entre ses seins en poire
Tout ce tintamarre
De bric et de broc
Attise les regards
On dit qu’elle provoque !

Y a comme un malaise
La Reine de la baise
S’est fait amocher dans son troquet
Parait qu’la punaise
A filé à l’anglaise
Sans même régler son perroquet
Y a comme un malaise
La Reine de la baise
S’est fait encadrer par un roquet
Si j’trouve ce balèze
C’est au Père Lachaise
Qu’il ira défouler ses poignets

On la dit frivole
Elle est bien mieux que ça
Je sais qu’elle s’envole
Pour un air d’opéra
On la traite de folle
Elle se rêve diva
Sous une coupole
En tenue d’apparat
Souvent elle rigole
Elle retrousse ses bas,
Lance ses guiboles
Ça épate les gars
Y a tout qui décolle
Quand elle rit aux éclats
Mais elle boit pas d’alcool
Ou seulement avec moi

Y a comme un malaise
La Reine de la baise
S’est fait tabasser par un toqué
‘Lui a retourné la fraise
Avec un bâton d’chaise
Comme on ferait avec un bilboquet
Y a comme un malaise
La Reine de la baise
Par un rançonneur s’est fait braquer
C’est la Calabraise
Qu’en veut à son pèze
Qui lui a envoyé ce détraqué

Depuis à l’hosto
Quand on se réunit
Autour du chariot
De la belle de nuit
On joue au loto,
Et pour pas qu’elle s’ennuie
Je lui lit les journaux,
On parle de la pluie

Maintenant qu’la régente
A baissé le rideau
Les gars se lamentent
˝On ne boit que de l’eau !˝
Et pour que la charmante
Rouvre un jour son bistrot
Dans la rue je chante
Aux quelques badauds

C’est pas des foutaises
La Reine de la baise
S’est fait truander, elle est choquée
Le Milieu l’a mauvaise
Mais notre Marseillaise
Rouvrira bientôt son cabaret
C’est pas des fadaises
La Reine de la baise
A plus d’un bon tour dans son panier
Z’auriez pas une pièce
C’est pour la duchesse
Faut bien commencer à épargner

Nestor

Porcelaines de Chine Ancienne
Tapisserie victorienne
Toiles de maîtres, bijoux d’Ukraine
Collection de poèmes obscènes

Toi le chasseur de trésors
Alors que le musée s’endort
Dans tes yeux il y a de l’or
Comme au temps des Conquistadors

Tapis de Perse, lustre cristal,
Vaisselle aux armoiries royales
Petits rubis, longues opales
Réplique authentique du St Graal

Toi le chasseur de trésor
Alors que le palais s’endort
Dans tes mains il y a de l’or
Mais plus rien dans le coffre-fort

Dossiers classés X, microfilms
Joyaux de la Vallée du Nil
Plans de fusées anti-missile
Faux passeports, licence to kill

Toi le chasseur de trésor
Alors que le bunker s’endort
Dans tes sacoches il y a de l’or
Mais jamais l’ombre d’un remord

Collier de perles, sabre tranchant
Couronne en ivoire d’Abidjan
Buste de César en argent
Lingots sonnants et trébuchants

Toi le chasseur de trésor
Faut te méfier de l’eau qui dort
Dans le grand bassin de Chambord
Et de ce silence de mort

Moi le gardien dans ma guérite
Je te suis grâce au satellite
J’admire le sang froid le mérite
Et plus encore cette pépite

Toi le chasseur de trésor
N’oublie pas le jeune Nestor
Qui tout au bout du corridor
T’a aidé à filer dehors

Un week-end à la campagne

On ira peut-être bien en vacance
Dans une maison au fond d’la France
Avec des volets à repeindre
Et des mômes qu’arrêtent pas de se plaindre
On leur jouera sûrement des chansons
Ça les calmera cinq minutes
Le temps de mettre quelques glaçons
Dans nos pastis, on est pas des brutes

Peut-être Peut-être, on fera tout ça
Avec nos lardons sous les bras
Nos compagnons et nos compagnes
S’engueuler un week-end à la campagne
S’engueuler puisqu’on s’aime et sabrer le Champagne

En ce temps-là on aura tous du ventre
Un peu de sel parfois sur les tempes
Certains auront vieilli c’est moche
On gardera nos langues dans nos poches
C’est sûr on sera jamais d’accord
Sur ce que les gosses auront le droit d’faire
Y en aura un peu de tous les bords
Des laxistes et des cœurs de pierre

Peut-être peut-être, on sera comme ça
Avec nos rêves sur les bras
Nos compagnons et nos compagnes
Partager  un week-end à la campagne
S’engueuler puisqu’on s’aime et sabrer le Champagne

Je compte pas sur un avenir plus beau
Ni plus con ni plus sale ni plus chaud
On sera pas meilleurs pas plus malins
Et même si on veille encore au grain
Y en aura toujours un qui aura mal
Si c’est pas l’un ce sera l’autre, normal
Ça nous bouffera toujours autant c’est sûr
De se voir à côté de nos chaussures

Peut-être, peut-être, on sera tout ça
Avec nos malheurs sous les bras
Nos compagnons et nos compagnes
Pleurnicher un week-end à la campagne
S’engueuler puisqu’on s’aime et sabrer le Champagne

Toi mon copain toi mon ami
Toi mon poteau qui aujourd’hui
Déjà me gonfle déjà m’ennuie, parfois
Et bien je t’en remercie
Pour tout ce qu’on a fait et qu’on fera
Pour ce qui n’aurait pas existé
Autrement que par notre amitié
Et pour le reste et ben on en meurt pas

Peut-être peut-être on est comme ça
Avec de la merde aussi dans les bras
Tous compagnons et compagnes
On se fait du bien comme on castagne
A s’engueuler puisqu’on s’aime et sabrer le Champagne !

Nadège    (sur une musique de Thierry Chazelle)

Dans la vitrine en face
Elle vend des chocolats
Amandines et ganaches
Les ancêtres qui passent
Savent ce qu’ils cherchent là
Il faut que ça se mâche
Sa figure mutine
Et son sourire en coin
Les invitent à goûter
Elle vend des nougatines
Et des pâtes de coing
Aux bouches édentéesMoi depuis mon comptoir
D’où je suis le manège
Je caresse l’espoir
De lui parler Nadège

Chevelures bleutées
Et feutres fatigués
Dans un curieux ballet
S’en viennent à l’heure du thé
De façon distinguée
Réveiller leur palais
Dieu seul sait combien
De merveilleux parfums
Contiennent les sachets
Qu’elle noue avec soin
De ses petites mains
Pour les endimanchés

Moi depuis mon comptoir
D’où je suis le manège
Je caresse l’espoir
De l’inviter Nadège

Souvent je rêve ainsi
D’un dîner aux chandelles
Dans une gentille auberge
Où entre deux farcis
Je lui dis qu’elle est belle
Que pour elle je gamberge
Mais je suis qu’le boucher
Elle n’a aucun regard
Pour ma viande écarlate
Et je peux bien loucher
De l’autre côté du trottoir
Elle ne m’aime pas l’ingrate

Je vois de mon comptoir
Le morbide cortège
Et  pleure sur mon hachoir
Pardonnez-moi Nadège